Chloé chérie,
Décidément, tu es notre enfant terrible jusqu’au bout. Etre tes parents est une école de vie extraordinaire. Tu as bousculé tout ce qu’on pouvait imaginer. Dès le départ, tu as brouillé toutes les pistes connues : tu te retournes, grande prématurée dans ta couveuse, tu t’évades en rêve pendant les cours au point de déstabiliser les profs, tu traverses toutes les difficultés familiales avec une sérénité à toute épreuve. Et puis tu entres en compétition avec ta soeur Alix. Votre complicité est sans faille. Tu t’investis corps et âme dans la compétition. Dix ans déjà que nous cumulions tous les rôles, parents, agence de voyage, resp com, manager. Mais qu’est-ce que cela te faisait râler, n’est-ce pas ? Tu aurais voulu que l’on soit juste parent sans plus, pour laisser place à l’affection sans autre interférence. Tu avais aussi tellement peur que les autres s’imaginent que tu es un bébé surprotégé. Nous, avec toi, on savait bien que tu es hyperindépendante. Tu voulais une vie libre. Tu es notre petit chat, câline quand toi tu le voulais, sauvageonne la plupart du temps. La compétition s’est vite révélé un espace de jeux trop étroit pour toi.
Ton idéal d’enfant de onze ans s’est réveillé. Je veux devenir secouriste en haute montagne, faire de la montagne pour les autres, disais-tu. Ton sens des autres caché derrière une grande réserve, nous l’avons découvert très régulièrement. On ne met pas un chat en laisse, toi non plus. Il nous restait à t’accompagner, à te soutenir juste. Nous avons essayé modestement d’accompagner ton projet pas à pas. Souvent tu nous disais « Vous n’y connaissez rien ». Mais qu’est ce qu’on a appris avec toi ! Nous avons construit une relation très forte, jonglant entre présence et absence, entre MSN et téléphone que tu détestais. Le moment le plus attendu était quand tu apparaissais du train, tout sourire, quand nous venions te chercher à tes retours. Tu étais comme l’enfant prodigue. Notre relation est belle, forte, tempétueuse, à ton image tout simplement.
Tu voulais tout découvrir par toi-même, tout expérimenter. Tu étais boulimique de vie, de projets. Te suivre relevait du parcours du combattant pour certains. Nous étions prêts à te suivre au bout du monde en projets. Tu avais 7 vies comme les chats. Nous avions parlé ensemble du risque, nous en étions conscients et tu disais « Arrête de t’inquiéter ».
Comme à chaque fois, tu es devant nous tous. J’aurais préférer que pour une fois, tu restes derrière. On savait que tu appartenais à la montagne et à la grimpe. Là maintenant, on découvre un peu abasourdi que tu as pris une place exceptionnelle bien plus largement. Tu dois sourire de voir tout cela, toi qui avait peur de t’imposer. Tu disais « je ne veux pas faire l’incrust ». On aurait tous tellement voulu que tu fasses l’incrust bien plus longtemps parmi nous. Ma chérie, comme l’a dit hier Marie en rêvant tout haut : Chloé, je t’aime, je t’aimerai sans cesse »